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Lettre de lecteurà la Télévision Suisse Romande
mars 2009

Mesdames, Messieurs les journalistes libres et indépendants

Depuis le 27 décembre dernier, la population palestinienne de la Bande de Gaza a vécu sous un déluge de bombes, prise au piège d’un enfermement territorial mis en place par l’Etat d’Israël. Les rares refuges qui en temps de guerre s’offrent à la population ont été les cibles de bombardements. Aucun abri n’a été épargné: les mosquées, les écoles, les dispensaires, les hôpitaux, les infrastructures internationales, sont devenus des lieux d’ensevelissement où ont péri des vieillards, des femmes et des enfants.

L’ensemble des preuves produites par les acteurs neutres des organisations internationales humanitaires restées sur place, les comptes-rendus, les bilans fournis heure par heure par les organisations non gouvernementales reconnues par les Nations Unies, ainsi que par la société civile israélienne et palestinienne, attestent du caractère hautement criminel de l’offensive de l’armée israélienne depuis cette date et constituent des crimes de guerre, selon les critères émis par la communauté internationale, au lendemain des procès de Nuremberg. (Voir Haaretz pendant la durée du conflit)

Cette offensive s’est déroulée après deux ans de blocage total de la Bande de Gaza, faisant vivre à la population toute entière un véritable calvaire, sans entraîner de la part de la communauté internationale les sanctions qui s’imposaient à l’égard d’une punition collective, interdite par la 4ème convention de Genève. (Voir lettre adressée à Madame Calmy-Rey, site du Collectif Urgence Palestine, CUP).

Comment avons-nous été informé ici en Suisse? Lorsqu’une mise en perspective objective des événements devrait être présentée, en expliquant les causes et les aboutissants, les médias suisses se limitent à relater des faits de façon souvent partisane, la vision de l’occupant! Cette situation se traduit notamment par des mots d’offuscation à l’égard du peuple palestinien parce qu’il ose lancer des roquettes pour dire qu’il existe, oubliant de mentionner qu’il vit sous blocus et séquestre. Mais le pourquoi du lancement des roquettes n’est jamais développé, seuls sont montrés les dégâts qu’elles provoquent.

Un multitude d’éléments sont tus, tels le blocus perpétuel, les assassinats politiques ciblés qui ne font pas la différence entre les dirigeants de la résistance palestinienne sans jugement aucun et sans distinction entre islamiste du Hamas et laïc du front de la libération de la Palestine, les centaines d’enfants emprisonnés parce qu’ils osent lancer des pierres, les chars israéliens qui détruisent chaque nuit depuis plus de 4 ans maisons et boutiques de la vielle ville de Naplouse, on ne montre pas comment chaque matin les Palestiniens reconstruisent, en signe de résistance, les dégâts occasionnés.

On oublie également de mentionner les 12000 Palestiniens emprisonnés, contre un seul Israélien, de même on ne parle que trop peu de la politique de répression menée par Israël, des humiliations quotidiennes que subissent les Palestiniens ou encore des colonies qui continuent de s’implanter sur le territoire palestinien.

Les médias omettent aussi de présenter le combat de ces Israéliens qui s’opposent à la politique de leur gouvernement ou ne les citent que comme des acteurs isolés. Chaque jour des Juifs prennent position contre la politique d’Israël et sont traités de dissidents, exclus de leur communauté.

Enfin, on ne rappellera jamais assez la responsabilité historique (depuis les chambres à gaz) de l’Occident dans ce conflit!

Par ailleurs, les témoignages de personnes qui se sont rendues sur place ne sont qu’exceptionnellement relatés. Lors d’interviews, le temps de parole accordé aux invités, quand il y en a, représentant les Palestiniens ou dont les opinions sont pro-palestiniennes est toujours inférieur à celui laissé au côté israélien.

Pour mémoire, lors de la dernière guerre mondiale, des résistants ont aussi mené des offensives contre le gouvernement de Vichy collaborationniste. Tous ces résistants n’ont pas pour autant été appelés terroristes.

Il faut dénoncer cet état de fait! Nous condamnons donc la prise de position partiale des médias suisses (tout particulièrement télévisés et radiophoniques) par rapport au conflit de Gaza.

Au vu de cette situation, les questions suivantes s’imposent :

Pourquoi les médias suisses n’informent-t-ils pas les citoyens de ce qui se passe véritablement sur le terrain en Palestine?

Pourquoi ne nous présente-t-on que des positions distantes et non objectives?

Nous comprenons le poids de la mémoire et de l’histoire par rapport à la question juive et israélienne, mais on oublie qu’on est passé d’un antisémitisme juif à un antisémitisme arabe et à une islamophobie primaire.

Les témoignages existent et sont multiples, mais il est impossible de se faire une idée réelle du conflit israélo-palestinien à travers ce que relatent les médias suisses. Dès lors, comment amener l’opinion publique à se poser les vraies questions si nous n’avons qu’une vision étriquée et dirigée de l’information? Doit-on toujours se procurer des médias étrangers pour être informé dans notre pays? Il conviendrait de se référer aux journalistes israéliens et aux ONG indépendantes présentes sur le terrain.

Le Temps est l’un des rares journaux à relater le témoignage de Chapatte sous forme de BD, suite à son séjour à Gaza fin janvier (Le Temps, 3 février 2009) et à publier divers articles d’opinions.

«Et si Israël voulait détruire le Hamas pourquoi avoir détruit 30% des champs d'oliviers et de l'agriculture palestinienne?» Les propos des quatre parlementaires suisses en déplacement à Gaza, dont Antonio Hodgers, sont éloquents. Ce «spectacle hallucinant nous amène à remettre en cause la version officielle. Il n'y a pas de proportion entre l'objectif déclaré qui est de casser militairement le Hamas et ce que l'on constate sur le terrain».

Sur Euronews, deux journalistes israéliens sont très inquiets de la situation. «C’est la première fois dans l’Histoire qu’un peuple enfermé subit des attaques d’une telle brutalité. Il fallait vraisemblablement convaincre les Israéliens que nous faisions quelque chose, il fallait restaurer la puissance de guerre d’Israël après la guerre au Liban» dit Gideon Levy journaliste à Haaretz. «La montée de la haine chez les jeunes des deux côtés, juifs et palestiniens, est particulièrement inquiétante» s’exclame Yossi Klein Halevi, journaliste et auteur. (Voir l’interview sur Euronews)

La question palestinienne est à la fois complexe et simple, un occupant et un occupé, une armée d’occupation face à une résistance, des colons et des indigènes, des résolutions des Nations Unies et des conventions de Genève non respectées et violées depuis 1947.

Un problème récurrent surgit dès que l’on prend position pour les Palestiniens en dénonçant leur sort: on est qualifié d’antisémites. Non, nous ne sommes pas antisémites, mais antisionistes, c’est autre chose! Nous ne demandons que le respect des conventions de Genève, le respect des résolutions de l’ONU signées par Israël et non appliquées depuis 1947 (voir le Monde diplomatique, février 2009)!

Il convient encore de préciser qu’en soutenant les Palestiniens, on ne soutient pas obligatoirement le Hamas. Celui-ci a gagné les élections, en se faisant le porte-parole des plus démunis, toutefois en s’opposant au gouvernement de Mahmoud Abbas il s’est notamment coupé du soutien de l’Egypte et de l’Arabie saoudite. Le blocus israélo-égyptien se fait avec la bénédiction des pays arabes. Et la survie des Palestiniens dépend d’un consensus arabe (voir article de Jean-Bernard Livio, Choisir, février 2009). Réduire le Hamas à un mouvement islamiste aveugle constitue une lecture très restreinte à la façon de Georges Bush qui divise le monde entre l’axe du mal et l’axe du bien. Le dialogue doit s’instaurer avec des politiques ouverts au dialogue, tant du côté palestinien qu’israélien. Le Hamas dans ses positions fondamentalistes et son objectif de redonner à la Palestine son visage du début du 20e siècle et vider les Israéliens d’Israël, de même que les mouvements de la droite israélienne dont l’objectif est de vider Israël et la Palestine des Palestiniens, ne peuvent constituer, aussi longtemps qu’ils resteront sur leurs positions, des acteurs d’un dialogue constructif pour la constitution de deux Etats sur ces territoires. Tant que chacun des côtés n’arrivera pas à se dire que cette construction va obligatoirement aboutir à des pertes de part et d’autre par les concessions à faire, la paix n’a aucune chance d’aboutir.

On est pris par le piège de nos extrémistes et dans ce cas, le droit à une information libre et indépendante est indispensable. Nous sommes face à un complot entre le sionisme, l’impérialisme, les dictatures arabes et le wahhabisme saoudien, le silence de l’Occident face à une mémoire assez lourde, une droite israélienne obsédée par sa sécurité produisant une politique du peuple élu, un juif supérieur qui a tous les droits et peut tout se permettre, et un laisser faire par la communauté internationale qui ne peut pas dire aujourd’hui qu’elle n’était pas au courant.

A vous, amis et amies journalistes libres et indépendants de savoir si vous allez être dans la partie claire ou obscure. Nous aimerions bien que vous preniez note que nous sommes de plus en plus de citoyens à avoir pris conscience que le droit à la mémoire est un droit universel et nous veillons à ce que tous les dérapages sur l’antisémitisme juif ou arabe ne puissent pas se produire, car l’islamophobie actuelle ressemble à de multiples égards à la judéophobie des années 30. Parce que nous sommes des citoyens de Suisse interpellés par la façon d’être informé dans notre pays et soucieux d’obtenir une objectivité de l’information notamment par rapport au conflit israélo-palestinien qui a mis Gaza à feu et à sang et parce que nous payons une taxe pour être informés et avoir différents sons de cloches, nous vous proposons de vous rencontrer afin de travailler sur des dossiers que vous pourriez présenter dans diverses émissions.

Dans l’espoir que vous serez interpellés par ce qui précède, nous vous prions de recevoir, Mesdames, Messieurs, nos salutations les meilleures.

A.L.

 

 

 

Note du CUP: Le contenu de cette lettre n'engage que son auteur et ne reflète pas forcément les positions du Collectif Urgence Palestine.


 

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