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>> photos de nos actions et conférences - 60 ans de la Nakba - mai 08




>> programme "1948 - 2008 : Palestine colonisée, peuple dépossédé"


autres publications dans le cadre des 60 ans de la Nakba:
> Israël a commis un nettoyage ethnique en 1948 - interview Michel Warschawski - ES 21/05/08
>> La Nakba à l’heure de la guerre globale et permanente - interview d' Ilan Halevi 05/08

> supplément 4 pages du Courrier 03/05/08 [pdf]

> dossier de presse: campagne d'affichage nationale [fr/all]

nakba

Soixante ans après
par Michel Warschawski
(écrivain et militant pacifiste vivant à Jérusalem)
paru dans notre cahier spécial «1948 – 2008 Palestine colonisée – peuple dépossédé» à l'occasion des 60 ans de la Nakba - avril 2008

Célébrer les soixante ans de la création de l’Etat d’Israël est en soi problématique, car si pour beaucoup il s’agit de la création d’un refuge pour les rescapés du génocide hitlérien, c’est aussi la victoire d’un projet colonial que l’on fête. La célébration de cet anniversaire sans mentionner les victimes directes de la création d’Israël est, quant à elle, proprement obscène: quand les jeunes citoyens du récemment-né Etat Juif dansaient sur la place de Tel Aviv, des centaines de milliers d’indigènes prenaient la route de l’exil, il est important de le rappeler, si on ne veut pas être accusé, et à juste titre, de négationnisme. Car la création de l’Etat d’Israël a deux faces, inséparables l’une de l’autre: souveraineté juive et dépossession arabe. L’indépendance des uns a fait des autres des réfugiés.

Accident tragique de l’histoire? Non, et c’est là un des nombreux mythes qui entourent le sionisme et la création de l’Etat Juif. En fait, on peut parler de deux séries de mythes: ceux qui concernent la genèse d’Israël et ceux qui entourent la réalité présente.

Dans la première catégorie, celui qui décrit la Palestine des premiers moments de la colonisation sioniste comme «une terre sans peuple pour un peuple sans terre». Car s’il est vrai que le peuple juif (concept qui est lui-même l’objet de grandes controverses) n’est nulle part souverain, il est faux de décrire la Palestine comme une terre vide : un peuple y vit et, contrairement aux images orientalistes, y a développé une agriculture et, depuis les années vingt, l’embryon d’une industrie. Toujours encore dans la série des mythes liés à la genèse d’Israël, la «fuite des réfugiés»: les Nouveaux Historiens israéliens ont réglé son sort a ce colossal mensonge: les Palestiniens sont devenus un peuple de réfugiés suite a une guerre de nettoyage ethnique dûment planifiée et non par une subite envie de quitter leur patrie pour les tentes des camps de l’UNRWA.

Quant aux mythes qui entourent la réalité de l’Etat Juif, ils ont servi d’arrière-fond a une campagne de propagande qui a duré cinq décennies et dont on ne peut nier l’efficacité. Mentionnons-en trois.

D’abord qu’Israël est la seule démocratie au Proche Orient. Car l’Etat d’Israël lui-même ne se définit pas comme une démocratie, mais comme un «Etat Juif et Démocratique» La nuance est de taille: «Etat Juif» implique un statut privilégié, inscrit dans les bases constitutionnelles et les lois de l’Etat, pour une communauté, au détriment des autres, ce qui est contradictoire avec le principe démocratique. L’accès à la terre et au droit de résidence ainsi que les lois concernant l’immigration ne sont pas les mêmes pour citoyens juifs et arabes, même si ces derniers jouissent des mêmes droits civiques, et donc parler de démocratie est totalement inapproprié.

Autre mythe: Israël comme société égalitaire, voire comme exemple du socialisme démocratique, ce que confirmeraient les Kibboutzim et la place centrale de la Histadruth, institution unique au monde qui unit confédération syndicale, principal patron de l’industrie lourde, seconde banque du pays, sécurité sociale, principale confédération sportive et bien d’autres choses encore. Le politologue Zeev Sternhell a réglé son sort a ce mythe, en montrant que toutes ces institutions, y compris le collectivisme économique n’étaient que des moyens – provisoires – pour mettre en place un Etat moderne par en haut, puisque n’existaient pas les moyens d’un développement organique par le bas… Comme ça a d’ailleurs été le cas dans des dizaines d’Etats nouveaux nés de la décolonisation.

Mythe aussi que «l’immigration spontanée» des Juifs des pays arabes qui, dans leur majorité, ont été contraints de quitter leur patrie par des manipulations – y compris des attentats perpétrés par les Services Secrets sionistes – et des accords secrets avec les régimes arabes en place.

Si les Nouveaux Historiens israéliens sont aujourd’hui connus à travers le monde, il n’en est pas de même des «nouveaux sociologues» et autres critiques de la société israélienne et de l’Etat qui ont permis une remise en question radicale des mythes qui entourent ces réalités. Ce travail de recherche critique a largement contribué au développement de mouvements sociaux qui, en Israël, revendiquent un «Autre Israël», plus égalitaire et plus ouvert à l’Autre qu’il soit Juif ou non.

Le combat pour un Etat démocratique et laïque est, après 60 ans d’existence d’Israël, plus nécessaire que jamais. Il sera un combat commun judéo-arabe, un combat de remise en question des fondamentaux sionistes, ou ne sera pas, et Israël continuera a développer, toujours davantage, beaucoup des caractéristiques d’un Etat d’apartheid.

Michel Warschawski


 

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