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De retour de Palestine en passant par Israël
témoignage de membres de la 18e mission civile suisse
mission « Villes, patrimoine et archéologie»
18-23 juin 2006

Nous ne sommes ni des politiciens, ni des journalistes, ni des célébrités; nous sommes simplement des gens qui, suite à un article d’Avraham Burg sur les dérives du Sionisme, se sont interrogés sur ce qui se passe vraiment dans cette partie du monde. Depuis lors, nous nous intéressons à la Palestine et nous avons suivi de plus près ce brûlant conflit. Certains médias nous paraissaient partiaux, d’autres exagérés, d’autres encore indifférents. Nous ne pouvions croire qu’un état puisse commettre de telles exactions vis-à-vis d’un autre état sans que l’ONU ou l’Union européenne réagissent ; nous ne pouvions croire qu’un état puisse violer, en toute impunité, les Conventions de Genève, les résolutions de l’ONU et de la Cour internationale de Justice sur la construction du Mur de séparation sans que le monde s’indigne. Nous avons donc décidé d’aller voir nous-mêmes sur place. Nous revenons de Palestine, atterrés par ce qui s’y passe et, surtout, par l’immobilisme de la communauté internationale devant l’ampleur de la catastrophe humanitaire qui s’y prépare, ce que les récents évènements ne manquent pas de confirmer

Une mission civile suisse sur le patrimoine, composée d’architectes et d’archéologues, se rendait en Israël et en Palestine pour examiner les sites archéologiques et les bâtiments datant de l’empire ottoman et évaluer les dommages créés par le temps et le conflit. Nous avons eu la grande chance de pouvoir nous joindre à eux.

Nous sommes partis de Genève le 18 juin dernier. L’arrivée à Tel-Aviv fut sans histoire, à part des questions très détaillées sur les raisons de notre visite, les hôtels où nous allions loger, si nous avions de la famille, etc… Nous ne voulions pas mentionner notre intention de nous rendre dans les territoires occupés, par crainte d’y être empêchés par les autorités israéliennes.


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Jérusalem - Maale Adumim

Nous avons visité Jérusalem, dont Jérusalem Est, Hébron, Ramallah et Naplouse. Partout, sans exception, nous avons été accueillis chaleureusement. A Jérusalem, deux jeunes gens d’une association israélienne nous ont montré la différence de traitement de la municipalité de Jérusalem entre les quartiers Ouest, israéliens, et les quartiers Est, arabes d’origine palestinienne, qui représentent 20% de la population totale d’Israël. Nous avons d’abord traversé un quartier Ouest puis un quartier Est. Dans le premier (israélien), les routes et jardins publics sont propres et bien entretenus, les haies parfaitement taillées, les ordures sont ramassées trois à quatre fois par semaine. Jerusalem Est - 18e mission civile - 2006Dans le second (arabes d’origine palestinienne, que les autorités de Jérusalem tentent par tous les moyens de faire partir), les routes sont pleines de trous, nous n’avons pas vu de jardins publics et les ordures restent sur le bord des routes à la merci de chiens et chats errants (voir photo ci-contre). Nos deux guides nous ont expliqué que, dans les quartiers Est, les ordures n’étaient ramassées qu’une à deux fois par mois et encore, que les routes n’étaient pas entretenues et que l’eau était coupée plusieurs fois par jour. Nous avons retenu une impression d’abandon de ces quartiers par les municipaux. Le contraste est saisissant et nous avons été très choqués par ces différences. Nous avons ensuite été conduits dans la colonie de Maale Adoumim et les belles maisons, les gazons verdoyants, les fontaines, les parterres de fleurs aux arrosages automatiques, ont confirmé les dires de nos deux guides. Partout, nous avons remarqué un grand nombre de drapeaux israéliens sur des maisons et bâtiments. Par contre, pas un seul drapeau palestinien même dans les quartiers Est. Nos guides nous ont informés qu’il était interdit, sous peine d’emprisonnement, de hisser un drapeau palestinien. Nous avons d’ailleurs observé chez l’un d’eux de l’indignation et de la tristesse de devoir faire un tel constat sur les autorités de son pays. Tous les deux étaient des refuzniks, c’est-à-dire qu’ils refusaient de faire leur service militaire dans les territoires occupés et, par conséquent, ont fait de la prison. Nous saluons, au passage, le courage, la pugnacité et la sensibilité de ces deux jeunes gens. Nous savons qu’il y en a beaucoup d’autres comme eux.

Nous avons également pu constater l’attitude des colons installés en pleine vieille ville de Jérusalem. Des colons, occupants des étages supérieurs de maisons anciennes qu’ils avaient obtenues en harcelant les habitants d’origine palestinienne, à un point tel qu’ils finissaient par leur vendre leur maison et partir, continuent leur harcèlement des occupants des étages inférieurs, dans le même but, en jetant leurs ordures qui atterrissent dans les cours. Certains habitants, qui ne veulent en aucun cas quitter leur maison, car c’est leur manière à eux de résister, tendent des grillages au dessus de leur cour pour que les ordures ou d’autres objets, comme par exemple des bouteilles de gaz vides, ne blessent pas leurs enfants. Un passage par les toits de ces maisons a même été construit par un gouvernement européen pour permettre aux colons de circuler librement, pour aller prier sans passer par les quartiers arabes. Une tour, occupée par des soldats israéliens, a été installée pour veiller à leur sécurité et empêcher la population arabe de s’y aventurer.

Nous avons eu l’occasion de visiter le ravissant couvent arménien dont la communauté chrétienne orthodoxe subit les mêmes traitements que la communauté musulmane. Lors de notre visite, nous avons remarqué une belle église, en cours de construction, avec des échafaudages qui avaient l’air très ancien. A notre étonnement, devant cet édifice à moitié achevé, il nous a été répondu que le permis de construire leur avait été retiré car la communauté avait refusé de vendre un terrain qui jouxtait leur église à la municipalité de Jérusalem. Il leur était, depuis, interdit d’utiliser ou d’entretenir ce terrain. Nous avons été informés qu’au bout d’un certain temps, la communauté arménienne n’étant pas autorisée à l’utiliser, la municipalité se l’appropriait, se référant pour ce faire aux lois israéliennes sur les terrains en friche (article 24 de la loi 5709).

Jérusalem est une ville magnifique dont le charme réside dans tous ces peuples et religions qui s’y croisent. Israël s’en est emparé et s’évertue à ce qu’elle devienne sa capitale, excluant tout ce qui n’est pas juif.


 


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Hébron - Twaneh
Hébron barrage- 18e mission civile - 2006
barrage à Hébron

Nous nous sommes ensuite dirigés vers les territoires occupés de Cisjordanie et les villes d’Hébron, Ramallah et Naplouse. Nous avons fait l’expérience des longues attentes et des fouilles au passage des nombreux check points A chaque fois, nos passeports étaient examinés et nos bagages passés au crible. Les palestiniens subissaient le même traitement mais avec des vérifications d’identité encore plus minutieuses. Aller à son travail, tous les matins et en revenir tous les soirs, doit représenter un vrai parcours du combattant.


Hébron colons - 18e mission civile - 2006
Hébron, les colons jettent leurs ordures sur leurs voisins palestiniens

Nous sommes allés en premier lieu à Hébron. Hébron est divisée en deux secteurs. Le secteur H1, sous autorité partielle palestinienne, et le secteur H2, dont la vieille ville, sous autorité de l’armée israélienne. Dans le secteur H2, les barrages de contrôle sont partout ; des rues sont fermées par de gros fûts remplis de béton, de lourdes portes en fer, de gros blocs de pierre ou des barbelés, obligeant la population palestinienne à faire de grands détours et aux commerçants des routes barrées à fermer leur magasin. On dénombre à Hébron 187 points de clôture. Nous avons aussi noté 300 jours de couvre feu pendant ces dernières trois années. Là, encore, des colonies se sont installées en plein milieu de la vieille ville dans les étages supérieurs et nous avons rencontré le même problème qu’à Jérusalem quant aux ordures. Des grillages ont également été tendus, au dessus du vieux marché, afin de protéger les passants des immondices jetées par les colons. La plupart des échoppes sont fermées par ordre de l’armée. Quelques habitants, cependant, osent ouvrir mais pas tous les jours. Il faut bien vivre. La colonie de Kiryat Arba est située sur une colline au-dessus de la vieille ville et les colons, qui sont presque tous armés, font souvent des descentes, usant de violence vis-à-vis de la population dont des enfants. Nous avons rendu visite à une association locale qui fait office d’hôpital, d’école, de centre d’accueil pour les enfants, d’aide aux femmes seules suite à la mort de leur mari ou à leur emprisonnement, etc… Une des principales activités de ce centre, qui est la seule structure de ce type pour couvrir les besoins médicaux des 40.000 habitants du secteur H2, consiste en soins psychiatriques aux enfants victimes de violences. Les enfants, fréquemment harcelés par les colons, développent des attitudes agressives et doivent avoir accès à un suivi psychiatrique approfondi. Nous avons, nous-mêmes, en traversant la zone H2, dû calmer des enfants qui voulaient nous frapper. Ce centre, composé essentiellement de bénévoles, fait un travail tout-à-fait remarquable, particulièrement quand on considère les difficultés de leur vie quotidienne. Nous avons constaté qu’il manquait de tout, particulièrement de médicaments. Les palestiniens se rendent parfaitement compte que leur avenir réside dans leurs enfants et ils ne reculent devant aucun sacrifice pour qu’ils reçoivent des soins et une éducation appropriés. Il y a des écoles dans tous les quartiers et, quand l’une d’entre elles est détruite, la relève est assurée par le centre ou les habitants.

Une organisation locale, spécialisée dans la réhabilitation du patrimoine, composée d’archéologues, d’architectes et d’ingénieurs palestiniens nous a fait visiter les bâtiments ottomans anciens, détruits par les incursions de l’armée et qu’ils restauraient au fur et à mesure de leurs moyens financiers. Nous avons été très impressionnés par leur efficacité et leur constance, sans jamais baisser les bras à reconstruire, restaurer, réhabiliter. Que se soit à Hébron, Ramallah ou Naplouse, nous avons pu observer que la conservation de leur patrimoine revêt de plus en plus d’importance pour ce peuple, qui ne se résignera jamais à demeurer sous occupation. Ils ont une manière non violente de résister; rester, ne pas quitter la Palestine malgré une vie faite d’humiliations et de dangers quasi quotidiens. A notre grande surprise, nous n’avons rencontré aucune haine, seulement un constat de la vie qu’ils mènent, sans même se plaindre ; comme si l’habitude était prise de vivre ainsi.

 


Twaneh et colonie - 18e mission civile - 2006
Le village de Twaneh (en bas) et la colonie qui le surplombe

Nous avons visité plusieurs villages autour d’Hébron. Notre bus ayant des plaques palestiniennes, et comme il est interdit aux palestiniens d’emprunter les routes israéliennes, nous avons dû faire un grand détour par des pistes en terre, souvent arrêtés par de gros blocs de pierre, pour nous rendre au petit village de Twaneh. Nous avons admiré la dextérité de notre chauffeur à slalomer entre les monticules de terre et les blocs de pierre, sans renverser le bus. Ce petit village isolé, qui est peuplé d’à peine 300 habitants et qui suinte la misère, est constamment harcelé par les colons des deux colonies installées sur les hauteurs avoisinantes. Ils attaquent les enfants, les empêchant d’aller à l’école, empoisonnent l’unique puits d’eau avec des animaux morts et font des descentes régulières afin d’effrayer les villageois. Nous avons rencontré quatre jeunes femmes, volontaires d’associations américaines et italiennes pour la paix, qui vivent dans le village afin de protéger les villageois, adoptant les mêmes conditions de vie qu’eux. Il leur arrive, à elles aussi, de subir l’agressivité des colons. Ces volontaires sont relayés par d’autres à peu près tous les deux à trois mois. Nous avons bavardé un peu avec elles et, surtout, exprimé notre soutien. Nous saluons aussi le courage et l’engagement de ces jeunes gens. En pensant à l’attitude des colons, qui sont pour une grande majorité très religieux, nous ne pouvons nous empêcher de nous demander comment ils pouvaient ensuite aller prier, la conscience tranquille.


 


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Ramallah

Ramallah, qui est considérée comme la capitale temporaire de la Palestine, est une ville bouillonnante de vie. Il n’est pas question de se laisser aller au désespoir en dépit du Mur, des nombreux barrages militaires, des colonies aux alentours, de la pauvreté. Les fonctionnaires n’étant pas payés depuis plusieurs mois, suite aux résultats des élections qui pourtant ont été un modèle d’ordre et de démocratie mais qui n’ont pas eut l’heur de plaire aux Etats-Unis et à l’Union européenne, l’économie de la ville s’en ressent profondément. Une organisation palestinienne de réhabilitation du patrimoine nous a fait visiter des bâtiments anciens qu’elle restaure ou consolide en fonction des fonds dont elle dispose. Le but des architectes et des archéologues de cette organisation est d’en faire profiter la population en y installant des écoles, des centres aérés, des ateliers d’apprentissage, des centres de musique, etc… Comme à Hébron, les habitants et surtout les enfants sont très impliqués dans tout ce qui touche à la conservation du patrimoine. Des concours de dessins sont organisés pour les enfants qui donnent libre cours à leur imagination, leur permettant de s’exprimer aussi par le dessin.

Nous avons visité des villages autour de Ramallah. Nous devions nous rendre dans un centre historique, mais la vue d’une longue file de voiture à un check point nous a incité à changer de programme et nous avons alors pris la direction de Taybeh, joli petit village chrétien qui, lui aussi, restaure ses anciennes maisons et une église datant de l’époque byzantine, avec fierté. Le village produit la seule bière palestinienne, la « Taybeh », qui est d’ailleurs délicieuse, et dont la brasserie tourne rondement, donnant du travail à une partie du village.


 


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Naplouse - Balata
Naplouse checkpoint - 18e mission civile - 2006
checkpoint de Naplouse

Après avoir traversé un certain nombre de barrages de contrôle, nous avons atteint la belle ville de Naplouse. Naplouse est entourée de montagnes et la vieille ville est de toute beauté, enfin ce qu’il en reste après les attaques de l’armée israélienne en 2002 et la destruction de nombreux édifices, datant principalement de la période ottomane, sans parler des nombreuses pertes civiles. Nous avons eu le privilège d’avoir un architecte, originaire de Naplouse, pour guide. Nous avons pu constater le travail fourni par un centre de réhabilitation du patrimoine qui, avec l’aide d’une organisation internationale, restaure et /ou consolide les édifices détruits ou endommagés. Nous avons pu admirer les travaux de restauration, en cours, de plusieurs belles maisons ottomanes et d’un caravansérail détruits en 2002. Naplouse savonnerie - 18e mission civile - 2006Ce qui est détruit est reconstruit le plus rapidement possible et selon les moyens financiers disponibles. Aucun découragement parmi les archéologues et architectes ; leur patrimoine est précieux. A Naplouse, également, les habitants et les enfants prennent part à ces activités de réhabilitation avec enthousiasme. Nous avons vu tout un lot de portes, provenant de bâtiments devant être restaurés, peintes par des enfants. Il y avait des peintures de ballons de couleurs sur un fond de ciel bleu, d’oiseaux aux ailes déployées, d’oliviers, de mer, de montagnes. Ces portes serviront à la restauration ou la construction d’habitations pour la population. Nous avons pu aussi visiter une des six savonneries artisanales (voir photo ci-contre), qui représentent une source économique importante pour la ville.

Naplouse est quasiment en état de siège depuis plus de 5 ans. Pour une population de 300.000 habitants (ville et villages aux alentours) il y a 4 barrages de contrôle et 74 points de clôture. Les formalités, pour entrer ou sortir de la ville, sont lourdes et des autorisations de circulation officielles pour les palestiniens doivent être délivrées par les autorités israéliennes. Certains habitants ne sont jamais sortis de la ville. Nous avons pu visiter l’Université de Naplouse qui nous a impressionné par le nombre d’étudiants, hommes et femmes, et leur volonté de suivre les cours à tout prix, alors que, pour certains étudiants des villages, se rendre à l ‘université à l’heure chaque matin est extrêmement difficile. Certains en sont morts suite aux attaques des militaires sur la ville et les villages.

Nous sommes restés à Naplouse les trois derniers jours de notre mission dont le vendredi 30 juin. Chaque nuit, l'armée israélienne fait des incursions dans la ville, particulièrement dans la vieille ville, détruisant magasins, sites anciens, trottoirs, etc…, que les habitants de Naplouse reconstruisent avec une constance exemplaire. Toutes les nuits, à partir de 23 heures, nous avons entendu des tirs et des explosions. Dès 22 heures les rues sont désertes. Le lendemain d’une de ces trois nuits nous avons pu constater la destruction d’un très ancien caveau de famille comportant sept tombeaux. Le 30 juin, à 6h du matin, l’armée est à nouveau entrée dans la ville et a commencé à tirer. Nous avons vu des jeunes garçons armés de pierres qui dévalaient dans les rues et des blindés qui les poursuivaient. Il semblait y avoir une dizaine de véhicules militaires pleins de soldats, plus des bulldozers dont, paraît-il, le but était « d’arrêter » quatre jeunes gens qui s’étaient réfugiés dans un cimetière. Les tirs et les explosions ont continué sans cesse pendant toute la journée avant qu’un des jeunes hommes (il avait 16 ans) ne soit tué et un autre, blessé, qui serait mort à l’hôpital quelque temps après. La scène qui a suivi la mort du jeune homme tué sur place était cauchemardesque. Les soldats voulaient s’approprier le corps du jeune homme qu’ils venaient de tuer. Une vingtaine de palestiniens, y compris la mère et les ambulanciers, ont finalement réussi à les en empêcher. Nous avons trouvé suspecte l’ardeur des soldats à vouloir à tout prix s’emparer du corps du jeune homme. Nous avons appris par la suite que plusieurs arrestations avaient eu lieu, ce jour là, notamment dans le camp de réfugiés situé près du camp de Balata.

 

Nous avons tenu à visiter le camp de réfugiés de Balata, dans la banlieue de Naplouse. Malgré la volonté des habitants de ce camp de faire pour le mieux, avec le peu qu’ils ont, la misère est partout. Peu ou pas d’eau, coupures de courant fréquentes, difficultés de ravitaillement, chômage, habitations exigües, conditions d’hygiène très précaires, etc… Balata camp de réfugiés - 18e mission civile - 2006A l’origine, un terrain leur avait été alloué par un propriétaire palestinien mais, avec presque 40 ans d’occupation, il est évident qu’un agrandissement du terrain était nécessaire pour accueillir les générations suivantes. Comme les autorités israéliennes n’autorisent pas l’extension au sol du camp, les constructions se font en hauteur et avec très peu d’espace entres elles, donc pas ou peu de lumière pour les étages inférieurs. Il y a une rue principale et puis de toutes petites allées, de 1,50m de large (voir photo ci-contre), pour circuler dans le camp entre les bâtiments et ainsi gagner le maximum de place.

Nous avons rencontré des officiels de Naplouse qui nous ont accueillis avec chaleur. Ils nous ont décrit leurs problèmes mais surtout leur inquiétude pour les habitants qui, pour un bon nombre, assumaient mal cette vie, difficilement supportable, dont les conséquences étaient souvent l’éclatement des familles et les violences conjugales, les enfants étant les premières victimes. Des centres spécialisés ont été crées pour gérer ces situations, mais ils étaient visiblement très concernés par ce problème et comment le résoudre dans les conditions actuelles de leur existence. Néanmoins, ici aussi, aucun signe de résignation.


 


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Ouara checkpoint- 18e mission civile - 2006
checkpoint de Ouara

Pour retourner à Jérusalem, à partir de Naplouse, nous avons dû traverser trois barrages de contrôle. Nous prîmes un taxi qui nous conduisit au premier barrage de Ouara, que nous traversâmes à pied, après avoir observé les formalités d’usage ; de l’autre côté nous prîmes un deuxième taxi qui nous conduisit au check point de Ram puis un autre pour le barrage d’Atarot. Nous avons eu de la peine à digérer les bandes annonces qui défilent devant nos yeux lors des attentes aux check points : « welcome to the terminal of Atarot (ou autre) ».

D’une manière générale, nous avons pu observer l’implantation de colonies qui poussent comme des champignons sur les terres palestiniennes et entourent les villes. L’installation de toutes ces colonies forme une sorte de toile d’araignée, reliée à Jérusalem et Tel Aviv par des routes interdites à la population palestinienne. Comme les colonies sont protégées par d’importants contingents militaires israéliens, des check points, barrages de tout genre et routes fermées, il n’est pas difficile d’imaginer l’entrave qu’elles représentent pour le quotidien de la population autochtone. Ce grignotage permanent de terres, qui n’appartiennent pas à Israël, s’appelle tout simplement du vol à grande échelle.

Nous avons vu aussi, de très près, ce mur omniprésent, monstrueux, qui atteint parfois 10m de haut et bouche l’horizon des habitants des deux côtés, empêchant toute communication entre les deux peuples et emprisonnant littéralement les palestiniens dans de grands pénitenciers à ciel ouvert ;mur à Betlehem - 18e mission civile - 2006 quel espoir de paix alors ? Nous avons dû le traverser par des check points, nous ne savons plus combien de fois. Nous nous sommes mis à la place des enfants et adolescents grandissant à côté de cette muraille de béton et nous nous sommes dits « nous ne pouvons pas passer par dessus, ni par les côtés, ni par dessous, ni voir ce qui se passe de l’autre côté, alors quel avenir avons nous ? ». Si nous ne faisons rien pour que la Palestine devienne libre et obtienne une paix juste dans leurs frontières et non pas dans celles décidées unilatéralement par le gouvernement Olmert, alors, effectivement, les enfants de Palestine n’ont aucun avenir.

 

La veille de notre départ, nous avons assisté à une manifestation de pacifistes israéliens, à Jérusalem, devant le ministère d’Ehud Olmert. Les slogans étaient en hébreu mais nous avons demandé à plusieurs manifestants de nous les traduire ce qu’ils ont fait très aimablement. Tous demandaient l’arrêt de l’occupation et une paix juste pour la Palestine, que ce soit dans le cadre d’un seul pays Israël/Palestine ou de deux pays ; la Palestine, dans les frontières de 1967. Ils devaient être à peu près 400.


route barrée - 18e mission civile - 2006
une parmi les multiples routes barrées de Cisjordanie

 

Fin du voyage

Nous avons quitté la Palestine, le 2 juillet, le cœur gros.

Et, maintenant, cette attaque sur Gaza et le Liban. Est-ce que la libération du soldat israélien Shalit vaut tant de destruction et de mort ? Est-ce que, par hasard, la vie d’un soldat israélien vaudrait plus que celle d’un palestinien ou d’un libanais ? Nous ne sommes pas assez naïfs pour croire à la version officielle de cette attaque d’Israël sur la Palestine et le Liban ; il doit y avoir une autre raison, beaucoup plus politique, la responsabilité principale en incombant probablement aux Etats Unis, mais, comme nous l‘avons mentionné plus haut, nous ne sommes pas des politiques. Cependant, nous sommes las des déclarations de nos gouvernements et des parti-pris de l’information en faveur de l’Etat d’Israël. Israël, qui possède une des armées les plus sophistiquées du monde et qui, sous prétexte de libérer trois de ses soldats, a tué ces dernier jours des centaines de civils palestiniens et libanais, y compris de nombreux enfants, et détruit des infrastructures indispensables à la vie des populations, a le droit de se défendre mais de qui Grand Dieu? En ce qui concerne la Palestine, d’une poignée de groupes armés, qui lancent des roquettes Kassam artisanales qui ne touchent personne, de quelques désespérés qui se font exploser? Bien sur que nous condamnons ces actes mais nous condamnons encore plus sévèrement les agissements d’un état qui les pousse à de tels actes et qui se pose en victime alors que son armée usurpe la terre qui restait au peuple palestinien et inflige des horreurs à une population, emprisonnant et tuant femmes, enfants, vieillards; détruisant maisons et écoles ; arrachant plantations d’oliviers, détournant les cours d’eau à son profit, implantant des colonies en toute illégalité sur les terres palestiniennes et des routes interdites aux palestiniens, construisant un mur de séparation qui n’a rien de sécuritaire et des barrières de contrôle, qui font de la vie quotidienne de la population autochtone un vrai cauchemar.

Nous avons vu et nous ne pourrons plus fermer les yeux sur le drame de la Palestine. Pour qu’Israël fasse fi du droit international humanitaire et tyrannise les palestiniens afin que pas un seul d’entre eux ne reste en Palestine ; pour que l’église de Rome ne dise mot devant ce désastre humanitaire qui se déroule quasiment devant sa porte ; pour que l’ONU ne dénonce pas, haut et fort, les violations de ses résolutions et que l’Union européenne affame une population, sous prétexte qu’elle n’a pas voté selon ses vœux et, pour que nous, nous mêmes, pour la plupart, restions indifférents, ne serions-nous pas en train de perdre nos valeurs fondamentales de vie?

De quoi avons-nous peur ? D’être accusés d’antisémitisme ? Mais il ne s’agit pas ici d’antisémitisme. L’Etat d’Israël, qui ose ces derniers jours faire référence à l’obligation pour le Liban de respecter la résolution de l’ONU 1559, alors que, sans vergogne, il passe outre depuis près de quarante ans aux résolutions de l’ONU et aux Conventions de Genève concernant la Palestine, est un état comme un autre et devrait être dénoncé et sanctionné comme n’importe quel autre état. La tragédie de l’holocauste n’autorise pas Israël à être au dessus des lois et à opprimer un peuple jusqu'à ce qu’il en meure.

 

C.F. et N. F.
juillet 2006
18e mission civile suisse


 

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